France Delville & Colette Öser
Quels parents
souhaiteraient pour leur enfant le destin de Van
Gogh... Mais ce qui est beau dans l'obstacle, c'est qu'il crée la
passion et fortifie la vision... Alberte Garibbo, interdite
de peinture jusqu'à sa maturité ne cesse depuis,
obsessionnellement, de se découvrir à elle-même l'œuvre picturale
qui avait malgré tout grandi en elle comme un enfant ignoré... A l'école rejointe sur le tard, les brodequins de l'imitation obstruèrent encore un temps le jet authentique, mais derrière les contorsions de l'obéissance, Jacques Matarasso perçut ce qui déjà débordait : Arrête tout cela, et ose enfin, conseilla-t-il à Alberte...Fracas dans un cerveau, césarienne fatale : du jour au lendemain Alberte osa extérioriser ces formes incubes aux- quelles elle ne croyait pas encore.. Son art est né des exigences de la gravure, qui sont précision, discipline, il est né du binaire, des pleins, des vides, des contrastes, et de la maîtrise physique qui permet de mater les forces résistantes sans bavure, en finesse, comme dans les arts martiaux... De la gravure naît une peinture sans concessions, encore un peu froide, mais l'aérographe va lui apporter un velouté, des harmoniques de superpositions qui à leur tour vont complexifier la gravure, et cet enrichissement dialectique va persister dans une spirale ascendante...D'insoupçonnées profondeurs de filons seront atteintes grâce à un travail irrépressible, permanent… A l'intérieur même du noir se dégagent, se repoussent des plans permettant une recherche fouillée des tonalités. Trop incontrôlable dans la gravure avec la remontée des pigments, le blanc reste un temps uniforme. Mais en peinture, lui aussi se diversifiera, éclatera. Le plein et le vide associés créent les reliefs du terrain, l'horizontale et la verticale forment le canevas d'un espace-temps en attente. Les couples inversés instaurent la complémentarité, ce qui est blanc brumeux ici est blanc clair là, mais chacune des figures est plus qu'un contraire, une émergence transcendant la logique, l’œil se plaisant à s'enfuir du sentier qu'on lui a tracé... Et puis soudain sur l'intemporel s'accroche l'événement : le point rouge, point d'équilibre, un présent rouge comme un incendie, comme une percée de soleil entre deux stèles de Uaxactun, discret d'abord, surgi de l'ombre et des vapeurs d'aérographe, puis épanoui dans son exaspération colorée, dans sa maximalisation infernale... Sur le déséquilibre - équilibre du terrain surgit l'acte. Car le rouge - Alberte elle-même l'appelle son point d'équilibre - comme le fil du funambule donne son sens au paysage. On part de lui, et on y revient... Ce rouge anime le tableau et nous irradie, il nous force à retourner nous rafraî- chir dans le blanc ou le noir, puis à retourner grésiller sur son chalumeau comme un insecte trop curieux... Le rouge mène le jeu. Même imperceptible il nous éclaire, nous guide dans le voyage pictural, il est épée incandescente plongée dans l'eau glacée, phare dans la nuit, bolide, apparition, rayon diffracté, vie qui troue l'ombre, inlassable précipité obstiné persistant... Mais dans d'autres tableaux le soleil est en éclipse derrière des voiles... Derrière des panneaux de maisons japonaises en verre dépoli monte un brouillard, et, réverbérés sur un mode blafard, de rigides troncs de bouleau luisent faiblement... Non, rien de tout cela, mais seulement présence pour briser l'absence, musicalité pour rompre le silence, ondes angulaires longeant des champs magnétiques et se perdant dans des tunnels rigides, cordes de lyres à l'échelle d'un territoire mental, cordes réelles pour musique invisible. Que deviendrait la lyre géante, à l'échelle des grands déserts vivants, s'il lui manquait les cordes vibratiles nécessaires au surgissement de cette musique virtuelle, de ce bruissement en puissance qui doivent être réveillés dans toute peinture ? Et maintenant la diagonale, la première diagonale de l'œuvre brise son orthogonalité... Régression ? Non. Car Alberte ne veut pas tendre vers le gouffre du non-dit, du plus rien à dire jamais, elle veut s'amuser à dire encore, et parcourir en tous sens l'espace du jeu, contrairement à Aurélie Nemours qui perçut un fameux jour cette diagonale comme une promenade sentimentale. Alberte choisit d'aller et venir du plein au vide et du vide au plein, de l'ascèse à la profusion, riches heures du maniement de ce qui s'offre...Tout cela parle de la forme, de sa relativité, de l'illusion, de l'insaisissable, de la valeur du regard... Tout cela nous engage dans une interrogation sur l'impermanence, sur le va-et-vient entre perfection et irrégularité, légèreté et densité. Nous, quatrième dimension, créons le mouvement qui va de l'avant vers l'arrière, de la corde au bois du violon, du point rouge au profond de la forêt, du rais de lumière à l'immeuble abandonné, ses ferrures mises à nu par l'explosion... La peinture d'Alberte Garibbo est un koan géométrique devant lequel il importe de rester, longtemps, méditatif... Avida Ripolin - France Delville |
English Translation: What parent wouId wish Van Gogh's destiny for their chiId...but the beauty of the obstacle is that it creates the passion and fortifies the vision..Alberte Garibbo, forbidden to point before her maturity has since then obsessively continued to discover the pictorial art form that, inspite of all, grew within her, like a long lost child... At school joined late in life, the elaboration of imitation did obstruct for a while yet the authentic flow, but Jacques Matarasso sensed what was already overflowing behind the contortions of obedience : Stop all that and be bold at last, he advised Alberte... A brainstorm, fated ceasarean : overnight Alberte risks exteriorising the incubus forms, which as yet she did not believe'in... Precision, discipline are the-demands of engraving from which her art took birth. Born also from the binary, fullness and void, from contrasts and physical mastery which controls the resisting forces, as flawlessly, finely, like in the martial arts... From engraving an.uncompromising painting is born, still a little cold, but the aerograph will bring about a velvet smoothness, harmonic superposings, that-in turn will complexify the engravings, and this dialectic enrichment will persist in an ascending spiral... Undreamt of indepth lines will be attained by constant, irrepressible work... From within the black a resisting surface is freed, allowing an indepth study of the tonality.Too unmanriagable in the engraving with the surfacing of pigments, the white remains for a time even. But in the painting, it too will break out, explode. The associated fullness and void create the surface depth. An expectating space-time is shaped by the horizontal and vertical. The inversed couples produce the complementarity, what is misty white in one place is a bright white in another, but each of the shapes is more than simply opposite, it pleases the eye to escape the ready traced route, in an emergence, transcending logic... And then suddenly, in the timeless, rises the event. The red point. Point of balance, a red, like fire, present, like a burst of sun between steles of Uaxactun, descreet at first, coming through the shadow and aèrographic haze, then overflowing in its colourful exasperation, its infernal maximalisation... The action arises from the disbalance-balance of the surface. Because the red - Alberte herself calls it her pont of balance - like the cord of the tightrope walker, gives meaning to the landscape. We begin with it and we rèturn to it... This red brings the painting to life, radiates us, and forces us to the refreshing rèturn of the white or the black, then returning to sizzle on the blowtorch, like an overly inquisitive insect... The red leads the game. Even when hardly perceptable, it inlightens us, guides us in the pictorial voyage, it is the burning sword plunged into iced water, beacon of the night, meteor, defracted ray, life that pierces the shadow, tireless swift obstinate persistant. But in the other paintings the sun is eclipsed behind veils... Unpolished glassed panels of Japanese houses, behind which a fog rises and, reflecting the pale style of rigid birch trunks, shining feebly... No, nothing of that, but only presence to escape the absence, musicality to rupture the silence, angular waves passing alongside magnetic fields and that disapear into rigid tunnels, lyre strings on the scale of mental territory, real strings for invisible music. What would become of the giant lyre, on the scale of the great living deserts, if the vibrating cords, necessary to the sudden appearance of this potential music, of this powerful murmure, that must awaken in all paintings, were missing ? And now for the diagonal, the first diagonal of the work break this orthogonality... Regression ? No. Because Alberte does not want to tend towards the abyss of the unspoken, of not saying anything ever again, she still wants to enjoy herself, and cover over and through the space of the game, contrary to Aurelie Nemours, who percieved this diagonal as a sentimental stroll. Alberte chooses to come and go from full to empty and from empty to full, from asceticism to profusion, the rich hours of the nôw and of what is offered... All this discribes the form, its relativity, its illusions, the illusiveness, the visions worth... All this urges us on to a question of the non-permanency, on the comings and goings between perfection and irregularity, lightness and density. We, the forth dimension, create the mouvement from front to behind, from the string to the wood of the violon, from the red point into the depth of the forcet, from the ray of light to the abandoned building, its hinges exposed by the explosion... The painting of Alberte Garibbo is a geometric koan, before which it matters to remain thoughtful, for a long time... |
© Avida
Ripolin-France Delville - Traduction Colette Höser
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